FEUILLÉE DE VIOLETTES

FEUILLÉE DE VIOLETTES 150 150 Véronique Dumont Castagné

Jacques Arlet rapporte dans l’un de ses ouvrages sur Toulouse[1] que dans l’Antiquité, la douceur des pétales de la violette, son parfum exquis, ravivaient chez Zeus le souvenir de l’odeur et la suavité de la peau de sa maitresse, IO, cette jeune fille tant aimée qu’il avait volontairement transformée en vache afin de la soustraire au courroux de son épouse. D’où son nom (V io lette).

Vint la Belle Époque, temps d’une société insouciante heureuse et optimiste dans laquelle s’épanouit l’art nouveau aux nombreuses références japonisantes[2]. Partout l’image de la femme était liée à la nature[3] et les fleurs étaient « leur motif ultime »[4]. On vit apparaitre dans les répertoires décoratifs, le rameau fleuri des japonais et certaines fleurs comme l’ iris, les ombelles, les roses et… les violettes. La culture de cette plante immémorielle prit dès le début du XIXè siècle une expansion extravagante à Toulouse, au point que la ville s’était arrogé le titre envié de capitale mondiale de la violette de Parme. Par la suite, au tout début des années 1900, le prix des fleurs y évoluait chaque jour dans une sorte de bourse, consacrée aux quatre cents producteurs groupés en coopérative. Une clientèle locale en faisait ses délices, mais les bouquets étaient également livrés dans les grandes capitales européennes, « dont Londres, qui absorbait parfois la totalité de la production » [5].

Cristallisées, confites dans du sucre elles devenaient bonbons, agrémentant parfois l’intérieur des boites de dragées à la couleur jugée trop insipide, mais c’est surtout en cosmétique, savons, crèmes, essence de parfum… qu’elles devinrent reines !

Voilà pourquoi le flacon de parfum de Sauzé frères, trouvé dans une maison bourgeoise toulousaine, présenté dans son emballage cartonné d’origine et daté de 1920, est émouvant. Titré « Feuillée de Violettes » il évoque merveilleusement ces fleurs de l’ombre au parfum tenace si particulier qui ont su enivrer toute une génération, bien au-delà de la ville.

 Ce mardi 13 septembre 2022 vente chez maitre Marc Labarbe à Toulouse, interenchères, lot n°280

 Véronique Dumont Castagné Expert CNES

Sauzé frères, parfumeurs, Paris.

[1] Jacques Arlet Toulouse À La Belle Époque (1890-1910) Toulouse. Édition Loubatières 1999. p 288.

[2] En 1888, Samuel Bing, grand commerçant d’objets d’art japonais à Paris, qui avait séjourné au Japon en 1880, publia Le Japon artistique, sa maison de l’art nouveau, ouverte en 1895, fut le centre du japonisme.

[3] Gabriel Trarieux, Le Songe de la belle au bois : conte de fées en 5 actes, Paris, Librairie de l’art indépendant, 1892.

[4] Collectif Paris Haute Couture Damien Delille « la cliente, le couturier et la fleur, inspirations croisées entre Jacques Doucet et Robert de Montesquiou « , p 54.

[5] Jacques Arlet Toulouse À La Belle Époque (1890-1910) Toulouse. Édition Loubatières, 1999, p 288.