Cervidés et textiles, bref aperçu sur la chasse à courre

Cervidés et textiles, bref aperçu sur la chasse à courre 150 150 Véronique Dumont Castagné

Il n’est pas aisé de choisir un textile orné d’une représentation animale tant il y en eut au cours des siècles et dans toutes les cultures. Jean Delumeau le rappelle avec justesse :« dans la Bible, il y a des animaux considérés comme  bons, amis et alliés de l’homme mais aussi  des méchants, qui représentent une menace symbolique ou plus réelle. Il suffit de penser que le premier à être cité est le serpent qui tenta Adam et Ève » [1]

Symbole et iconologie Les cervidés, sujet de notre étude, n’ont pas quant à eux cette effrayante réputation. Déjà représentés 30.000 ans avant Jésus Christ dans une course splendide et effrénée sur les parois des grottes de Chauvet, ils symbolisent sans difficulté d’interprétation apparente, la puissance tranquille d’animaux nobles, bénis des hommes. [2]  Nicole Chambon rapporte dans sa thèse de doctorat  qu’un jour un chasseur observant un cerf mordu par un loup guérit sa blessure en la frottant avec de la véronique vera unicum); il utilisa alors la plante afin de soigner son roi atteint de la lèpre et son rétablissement fut immédiat. -Dans ce conte ancien les rôles sont inversés, l’animal bienfaisant dicte à l’homme ignorant le comportement à tenir. Selon Renaud Montméat,– au 4ème /3ème siècle avant Jésus-Christ et en Chine, des statues de daims étaient placés sur la tombe des défunts, tout près de leur tête afin de garantir leur sommeil éternel. La portée spirituelle de cette mise en scène protectrice est ici évidente tout comme celle des tissages Sogdianes présentées au numéros 111, et 112 de la même vente[3]. En effet le renouvellement perpétuel des bois qui coiffent ces animaux, évoque tour à tour la période des amours, la fécondation, la mort, et pour finir la renaissance, c’est une très belle allégorie de la vie éternelle ! l’iconologie chrétienne ne s’y est pas trompée qui va jusqu’à comparer dans un idéal de fusion le cerf à Jésus Christ en propageant les images des visions de Saint Eustache et de Saint Hubert.

Naissance de la chasse à courre  « la vènerie proprement dite est née   à partir du jour où il est venu à l’esprit de certains précurseurs que l’utilisation du chien courant serait encore plus fascinante si elle était dépouillée de tout recours à des moyens adjuvants »[4]. Il semble que ce soit François 1re qui en soit à l’origine.  Les représentations iconographiques illustrant les temps forts de cette forme de chasse devenue dès le XVIè siècle un délassement en vogue, se sont ensuite multipliées. On en trouve plusieurs exemples dans les archives toulousaines notamment dans l’inventaire après décès d’Hérard Chastanet[5] de même qu’à Montauban où les murs de la salle du conseiller Cothure sont tendus de douze pièces de tapisseries provenant d’Auvergne. Elles représentaient : « diverses chasses et paysages à personnages : scavoir du lièvre, de la guenon, de l’austruche, du taureau, de la licorne, du cerf, du canard, du loup, du sanglier et du lion »[6]. Cette description correspond tout à fait à une tapisserie des Flandres du XVIè siècle vendue aux enchères à Rouen, en 2022. La foule d’animaux exotiques côtoyant entre autres un cerf et des sangliers reste à nos yeux contemporains pour le moins étonnante[7]. De leur côté, les nappes de damas, inscrivent depuis des siècles dans leur tissage la poursuite haletante de ces animaux au son de la trompe. Certaines sont démesurément longues laissant imaginer les repas festifs auxquels s’adonnaient ensuite les cavaliers harassés. L’une d’entre elles datant du XIXème siècle, en damas de lin et au décor très lisible, complète de ses douze serviettes chiffrées au point de plumetis s’est vendue 610 euros frais compris, le 2 février 2021 chez maitre Marc Labarbe à Toulouse[1]. Elle mesurait près de 4 mètres sur un peu plus 2 mètres de large. Comment ne pas citer pour conclure les superbes foulards de soie imprimée de la maison Hermès qui pourraient à eux seuls faire l’objet d’un article, tant le thème de la chasse à courre est décliné chez eux de façon récurrente, imaginative et élégante.

Véronique Dumont Castagné, expert textiles CNES.

 

                                                                  [1] Jean Delumeau, Une histoire du Paradis, Paris, Fayard, 1992 [2] Nicole CHAMBON Thèse de doctorat Les fleurs et les oiseaux du Jardin du Paradis de Francfort (1410-1420) université de Limoges 2011 Ecole doctorale : Lettres, Pensées, Art et Histoire.[3] Renaud Montméat, expert CNES « Arts d’Asie » vente du 9 décembre 2022, Paris, chez maitre Giquello et associés. [4] https://www.venerie.org/histoire-de-la-chasse-a-courre/[5] Véronique Dumont Castagné Fortunes des textiles dans la société méridionale des XVIIè et XVIIIè siècles, d’après les sources d’archives, éditions Connaissances et Savoirs, Paris, 2012 p 93.  AMT, FF 397, f° 377, Inventaire après-décès de Hérard de Chastanet, 22 décembre 1637. [6] Ibidem p 204. ADHG, 3E 11 889, pièce 34, Inventaire après-décès de Cothure, Conseiller vétéran en la cour des aides et finances de Montauban, 9 avril, 1687. [7]  Normandy auction, Rouen, vente du 18 décembre 2022 n°454 [8] Expert CNES  Véronique Dumont Castagné